Dimanche 12 octobre, Crise




















Cette semaine, j'ai rampé dans votre angoisse.

J'ai cherché, à tâtons, qui avait bien pu éteindre la lumière, et je n'ai pas trouvé. Quelque chose est né, indéniablement. La crise. Désormais nommée, Elle existe. Et partout où je vais, je crains, avec vous et malgré moi, qu'Elle ne me grignote, sans savoir qui Elle est ni d’où Elle vient, ni pourquoi vous La chargez, avec cet article envahissant, précipitant le drame, d’une aura indéfinissable, d’un charisme qui me torture, moi qui ne maîtrise pas bien votre langue. La crise m’a envahi, moi aussi, et ses grosses lettres étranglent jusqu’au cou de Rose, d’ordinaire si oublieux des choses terrestres.

Crise: Moment d’une maladie caractérisé par un changement subit et généralement décisif. Aggravation brusque d’un état chronique.

Vous étiez donc déjà malade.

Il y avait une fièvre tapie, une lave endormie sous la peau sociale. Et moi qui vous observe, voilà que je n’ai pas décelé la moindre rougeur, le moindre bubon.

Alors pour comprendre, je suis entré dans une de vos banques, une de celles qui forment l'espace complexe nommé la Défense. Personne n’a réussi à m’expliquer contre quoi se défendait cet énorme conglomérat de bâtiments étranges, rempli d’hommes et de femmes bouillonnants, affairés, sortes de serres à ressources humaines, ressources pressées, compressées autour de choses à faire. Et là, en me promenant dans ce bâtiment où, paraît-il, plus rien ne pousse, je n’ai rien vu. Que des chiffres et du papier.

Alors où est Son lit ?

Le temps serait-il le coupable ? Comme je l’ai observé ici même, le temps vous presse toujours plus fort et sirote votre jus. Peut-être que La crise vient d’un défaut de pressage, ou même d’une surpression du temps vous rendant chacun, soudain, à l’état liquide. Excusez-moi, j’essaye de comprendre. Mais pourquoi cette maladie n’était pas déjà La maladie ? Pourquoi vous avez continué à avancer en La rangeant auprès des autres malaises quotidiens ? Pendant ce temps, invisible, Elle gagnait du terrain, se nourrissant de votre peur. Maintenant Elle est là, fatale, assise dans chaque instant, suçant sans relâche la sueur de votre front et l’huile de vos coudes.

Je cherche des explications, je ne croise que des mots, des chiffres et des sourcils fatigués, levés au ciel, peut-être vers Elle. Certains disent qu’une "bonne vieille dépression" ne vous ferait pas de mal, d’autres que "c’est la fin", d’autres qu’ils s'en fichent.

Un mot, surmonté d'un article défini, et tout peut exploser.

J’ai de plus en plus de mal à comprendre les Hommes.

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