Liserde au Mexique / jour 1

Mexico DF. Par amour du drame.

Je suis arrivée dans la Grande Ville. Il fait chaud, moite, et j’ai gagné sept heures. J'atterris chez la famille Amusette. Laurune, une Française, et son fils Lef m'accueillent en douceur au sein de leur appartement.

Ce matin, promenade. Je ne me souvenais plus de ces rues où les arbres diffèrent tous les uns des autres, où aucun édifice ne semble s’accorder à son voisin, où les chaussées ont oublié d’être pratiques. Quelle fraîcheur. Ici, on se rend compte à quel point Haussmann a déprimé nos villes, à quel point ce pays (et sans doute tout le continent) méprise les rigueurs de la perspective, manies définitivement européennes.

Je tombe beaucoup ici, quand je marche.

Alors je cours au musée d'Anthropologie où je reste quatre heures, un record pour qui n'aime pas les musées. En cet instant je pense à Raymonde, avec qui je partage un fort dégoût pour tout ce qui respire peu dans notre culture. Antonin Artaud a écrit de belles phrases là-dessus. Mais ce lieu est une exception, l’art précolombien réussit à respirer entre ces pierres, et c’est un peu inexplicable.

Soirée chez deux jeunes hommes qui vivent en colocation. Sebo, un cinéphile français et Mauro, un photo-reporter mexicain, qui travaille sur le tourisme et l’immigration. Nous rêvons d’un projet ensemble, El Gran Catalogo de las Locuras (Le Grand Catalogue des Folies), une exploration planétaire des formes de tourisme pénétrées par la fiction, en commençant par les ex-prisons du KGB, en Lettonie.

Les Français sont très appréciés ici, enrobés qu’ils sont encore des fumées littéraires, philosophiques, un tantinet sartriennes, un poil romantiques, et surtout intellectuelles.

Petites et grandes conversations donc, au creux d’une assemblée masculine réunie autour de cette magnifique tequila ambrée qui m’a frappé les os du crâne, déjà bien engourdis par l’altitude.

Bon à savoir. L’alcool adoucit et étouffe la partie de mon cerveau qui dégage honte et perfectionnisme linguistiques. Quand je bois, définitivement, mon espagnol est parfait et presque désinvolte. Je me suis surprise à raconter mon projet sans aucune hésitation.

Puis tout s’est déroulé. J’ai attendu le drame, comme toujours, qui n’est pas arrivé.

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