Dimanche 9 novembre, couleur d'Obama



Je me suis promené aujourd’hui, aux côtés de Rose, dans votre grande capitale. Une après-midi d’automne comme je les aime. Et le soleil déclina.

"Tiens, c’est déjà la nuit", me dit Rose. "Non, c’est encore le jour", lui rétorquai-je.

Et nous entrâmes au creux d’un débat infini, universel, sans originalité semble–t-il, jusqu’à ce que la nuit tombe définitivement. Nous étions en réalité entre deux, entre chien et loup, nulle part, dans cette sensation diffuse que justement rien ne peut nommer, là où fin et début, noir et le blanc, chaud et froid se mêlent, sensation si perceptible en automne, et que votre Verlaine a si bien chantée (vos poètes sont si sensibles à l’infinie et savoureuse complexité des choses simples !).

A partir d’une certaine heure, chaque minute nuance la couleur de votre ciel. A peine nommée, elle se métamorphose. Cet état des choses vous trouble: il ne fixe rien, il fait fuir les adjectifs. L’entre-deux est pour vous définitivement immonde.
Innommable ou ardu à nommer, il vous dégoûte. Votre jugement, si prompt à repérer les couleurs simples car elles sont plus faciles à retenir, à simplifier les caractères d’une nation ou d’une région pour les mêmes raisons, trouve sans doute moins fatiguant d’encercler l’autre, lui-même, le monde, dans un territoire connu, reconnaissable, d’avance rassurant.

Un homme a été élu par les citoyens de l’autre côté du grand océan. Ici, dans vos villes, on est heureux parce que ce président est noir. Mais cet homme, et j’en reviens à votre insensibilité croissante face aux nuances des couleurs du langage, n’est pas noir. Il est ontologiquement noir et blanc. Je dirais même qu’il est un produit du noir et du blanc. En peinture, nous voilà avec un gris. Il y a tellement de gris ! Des anthracites, des taupes, des bétons... Mêlez donc du marron à du blanc (lui même étant cassé...), vous obtiendrez autant de possibilités que de pigments ajoutés, multipliées par deux. Mes mathématiques ont toujours été faibles, mais il me semble que nous sommes maintenant en présence d’un chiffre énorme.

Ce Barak américain est, je vous l’accorde, avant tout un symbole, mais il y a, je crois, des raisons de s’inquiéter quant à la faiblesse de votre vocabulaire. Car enfin cet homme, par le truchement des gamètes, avait autant de chances de naître un peu plus noir ou totalement blanc. Cet homme, non, n’est pas noir. Qui peut dire qu’il le soit ? Si Verlaine était là...

Je me suis renseigné, très rapidement, toute cette semaine, sur vos façons d’aborder, ici et ailleurs, la couleur des hommes. Comme le monde est complexe sur ces questions. Ici, dans la vieille Europe, avec l’Afrique, les choses sont d’autant plus compliquées que vous avez longtemps considéré ses terres comme les vôtres, que vous y avez enfanté des hommes blancs et noirs, demi noir et total blanc, demi blancs et total noir, quart noir et trois quarts blancs, etc... le métissage a par conséquent été pensé, et structuré, et hiérarchisé. Là-bas, dans la grande Amérique, soit on est noir, soit on est blanc (ou latino). J’ai la vague sensation que tout y fonctionne ainsi d’ailleurs. Le bien, le mal, le noir, le blanc... Peu de nuances y sont acceptées.

Je ne comprends pas tout, excusez ma bêtise. Mais je n’ai jamais entendu le terme métis lors de ces élections, et surtout à la fin. Ici et là vos médias nationaux ont récupéré cette omission, ce qui m’étonne venant de vous, français, qui avez ces questions dans le sang.

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